lundi 30 décembre 2013

le livre des histoires perdues - R. Jung

Encore un livre des éditions Alice dont je ne peux que souligner les qualités.
Qualités du format et de couverture, qualités de l'écriture ensuite. Ces éditions ont décidément le nez très fin lorsqu'il s'agit de présenter des ouvrages à la jeunesse.

" Bambert eut soudain l'impression que toutes les histoires qui se promenaient en totale liberté dans son cerveau étaient en réalité emprisonnées dans son "Livre des désirs". Pour qu'une histoire inventée prenne vie, il fallait qu'elle puisse courir le monde. Il fallait qu'elle trouve le décor de son choix : sa ville, son fleuve, son océan... Il fallait qu'elle prenne corps dans des êtres humains de chair et de sang. Et il fallait que ces personnages évoluent dans des paysages naturels et qu'ils vivent dans de vraies maisons. Ce fut cette nuit-là que Bambert décida de déchirer son "Livre des désirs" en plusieurs cahiers. Puis, il entreprit de lâcher par la lucarne de son grenier onze minuscules montgolfières lestées de ses histoires, en espérant qu'elles lui reviendraient nourries des lieux qu'elles auraient visités."
 
Bambert est un personnage attachant. Petit, mal fichu, cloitré à l'abri des hommes et de leur mépris, protégé par son locataire, un épicier, Bambert écrit pour vivre des aventures qui sont hors de sa portée.
L'idée d'envoyer ses histoires au gré du vent m'a plu.
Tout comme la solution imaginée par l'auteur pour faire revenir les histoires auprès de ce petit homme nostalgique.
Et chacune des histoires qui lui revient est un moment de poésie. Le tout illustré par de très beaux dessins signés Moran Barak.
 
Seul bémol, j'ai moins aimé la fin du récit.
Peut-être parce que je n'avais pas envie de voir s'achever cette balade hors des sentiers battus?

Premier chagrin - Eva Kavian

Sophie répond à une annonce pour du baby-sitting. Elle a envie de gagner de l'argent. Mais aussi que malgré sa petite taille, elle grandit. Qu'elle est capable de s'assumer et de gérer un travail à responsabilité.
Mais en se présentant pour la place, "Quelle surprise, lorsqu'elle découvre que c'est une grand-mère et non une jeune maman qui a posé l'annonce. A partir de ce moment, rien ne se passe comme prévu, et la vie de Sophie va en être bouleversée."
 
Voilà un livre émouvant et agréable. Plein de fraicheur. Sophie a 14 ans et a envie de prouver au monde entier de quoi elle est capable. Mais assumer la fin de vie d'une grand-mère en mal de sa famille, il y a de quoi en déstabiliser plus d'un.
Eva Kavian a su une fois de plus traiter d'un sujet délicat toute en finesse et en émotions. C'est facile à lire et pourtant grave comme propos.
L'auteur ne tombe jamais dans le pathos larmoyant. Et je l'en remercie :-)


jeudi 26 décembre 2013

Kinderzimmer de Valentine Goby

Je ne pouvais pas ne pas lire cet ouvrage dont j'ai entendu tant d'échos positifs, surtout étant donné la thématique liée à la seconde guerre mondiale.
 

C'est donc avec enthousiasme que je me suis lancée dans la lecture de ce livre que je pensais dévorer en quelques heures.
Et bien non, Valentine Goby a réussi à déjouer mes plans...
" En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout."
Je m'attendais à une lecture douloureuse et cela a été le cas mais pas tant par le choix du sujet ( enfin si mais cet aspect là est venu plus tardivement) mais par le choix stylistique de l'auteur. La première moitié du livre est une sorte de réminiscence des souvenirs de la narratrice sur base qu'une question qu'une élève lui pose : "Alors quand vous avez compris que vous alliez à Ravensbrück?". La narratrice se plonge alors dans son passé pour se rappeler du moment exact où elle a su et compris. elle entraîne alors le lecteur dans la confusion des premiers jours, dans la confusion de la faim et du doute.
Et cette confusion est partout présente dans la langue employée. Cette confusion colle aux démarches du lecteur pour suivre Mila dans ses questionnements, ses angoisses et ses inquiétudes.
Et cela ralentit considérablement la fluidité de ce mouvement pour suivre Mila. C'est difficile. C'est laborieux.
Mais il n'y a rien à faire, on est comme emprisonné dans ce camp avec ces femmes qui souffrent. Pas moyen de se dire "Tant pis, je laisse tomber" parce que laisser tomber, là-bas, c'est la mort, la fin de tout. Alors on poursuit. On s'accroche.
On attend, on guette une libération, une fin. quelque chose qui donnerait du sens à toute cette souffrance.
Et puis la délivrance de Mila arrive. Elle accouche. Et l'indicible prend alors une autre ampleur. Mila semble ajustée à ce qu'elle vit, les pièces du puzzle se rassemblent, l'écriture devient plus rapide, plus vive, le style plus incisif. Nous sommes entraînés dans quelque chose qui nous dépasse. Il n' y a plus de mot pour ressentir. Et pourtant Valentine Goby poursuit son récit, impitoyable.
Nous sommes condamnés à suivre Mila, accrochés dans ses pas. Jusqu'à la fin du livre, que nous n'avons finalement pas pu lâcher.
Je ressors de ce livre assommée. Etourdie. Ecœurée...
J'ai détesté cette histoire et pourtant je la conseille à tout le monde.
Lisez et vous saurez.
 
 
 

vendredi 13 décembre 2013

Terrienne de J-C Mourlevat


J'ai découvert Mourlevat avec "Combat d'Hiver" que j'avais beaucoup aimé. Amazon m'a permis de télécharger le premier chapitre de ce roman et j'ai trépigné d'impatience jusqu'à sa sortie en poche.

La 4ème de couverture annonce que " Tout commence sur une route de campagne... Après avoir reçu un message de sa sœur, disparue depuis un an, Anne se lance à sa recherche et passe... de "l'autre côté". Elle se retrouve dans un monde parallèle, un ailleurs dépourvu d'humanité, mais où elle rencontrera cependant des alliés inoubliables. Pour arracher sa sœur à ce monde terrifiant, Anne ira jusqu'au bout, au péril de sa vie. Elle se découvrira elle-même : Terrienne.
Vous ne respirerez plus jamais de la même manière."
 
J'aurais envie de reformuler en signalant que tout commence sur une petite route de campagne pour un écrivain en mal d'inspiration qui s'arrête pour prendre une jeune auto-stoppeuse car elle lui rappelle bien trop sa petite-fille pour qu'il se sente de la laisser sur le bas-côté, à la merci du premier malotru.
Il m'a plu tout de suite ce vieux bonhomme plein de doutes et de questions, qui souffre à chaque fois qu'il se rend chez son dentiste et qui prend le temps de s'arrêter pour cette jeune fille. J'ai bien aimé le dialogue qui s'instaure entre eux également.
J'ai beaucoup aimé aussi la manière tout en finesse dont l'auteur suscite le questionnement avec cette route de campagne et cette fille qui disparaît puis qui réapparait.
Malheureusement, la suite du livre a moins bien fonctionné. Peut-être me suis-je trop nourrie de la série "la 4ème dimension" mais je n'ai rien trouvé d'original à ce livre. Certes, les personnages sont attachants et il y a de l'émotion mais voilà, j'ai tellement aimé "Combat d'hiver" que j'en espérais davantage.
Je nuance toutefois mon propos grâce à la présence d'un personnage, non pas celui d'Etienne Virgil - l'écrivain dont le sort m'a frustrée horriblement - mais celui de Madame Stormiwell qui accueille l'héroïne lors de son premier passage de l'autre côté. Aucune fausse note de ce côté-là, le personnage est merveilleusement bien dépeint, est original et solide. Elle irradie littéralement dans sa différence et dans son attirance pour la "terriennitude"...
 
Rien que pour elle, le livre mérite qu'on lui réserve un bon accueil.
 
Un petit extrait pour se faire plaisir :
 
 
" Au spectacle de la matière gluante qui coulait sur les doigts de son élève, le lieutenant Geemader avait mis sa main devant sa bouche et il plissait les yeux.

— Bien, reprit-il une fois que tous les œufs furent cassés et battus dans le saladier. Veuillez maintenant apporter ce qui se trouve sur la deuxième étagère du réfrigérateur.

Un élève alla chercher le plat désigné et le déposa sur le plan de travail. Geemader recula d’un pas. Il avait légèrement pâli.

— Ces choses roses avec des bords un peu plus foncés sont des petits lardons. Ils ne sont pas produits par des animaux…

Chaque fois que le mot « animal » ou « animaux » passait les lèvres de Geemader, sa bouche se rétractait vivement et on imaginait ce qu’il devait penser à cette occasion : « Qu’est-ce qu’on m’oblige à dire, tout de même ! »
Il recula d’un pas encore, se retrouva dos au mur et, ne pouvant pas mettre davantage de distance entre les petits lardons et lui, il poursuivit :

— Non, ces choses ne proviennent pas des animaux, elles sont des animaux. Et pire, elles sont des morceaux d’animaux…

Pour aller jusqu’au bout de sa phrase, il dut contracter douloureusement son visage
de tortue :

— des morceaux d’animaux… morts.

Après cela, il lui fut plus facile d’évoquer la pâte brisée, l’emmental et le poivre muscade, mais, tandis que les élèves tranchaient, battaient, râpaient, mélangeaient et mettaient au four, il se tint aussi loin que possible de l’action.

— Bien, conclut-il quand les quiches furent enfournées, vous pouvez raccrocher vos tabliers et sortir. Nous reviendrons dans vingt minutes pour vérifier qu’elles sont bien cuites, et si c’est le cas, vous les emporterez à la cantine pour…

La fin de son épreuve arrivait et il puisa dans ce qui lui restait de courage pour prononcer cette dernière horreur :

— pour les manger."
 
 

Nymphéas noirs de Michel Bussi

Je suis gâtée! Pourquoi? Parce que j'aime Monet et que l'histoire se passe dans le charmant village de Giverny, chasse gardée du peintre impressionniste.
De plus, j'aime les intrigues bien ficelées et celle-ci l'est indéniablement : une narratrice épie les allées et venues de ses concitoyens depuis "le moulin de la sorcière". Elle rôde et raconte les crimes qui se perpètrent sans que la police y puisse rien changer.
Cela commence avec Jérôme, trois fois assassiné.
L'inspecteur cherche des mobiles, des suspects et ses pas le conduisent face à la jolie institutrice.
Secondé par son adjoint méticuleux, Laurenç Serenac soupçonne le mari. Mais quand on est attiré par sa femme, est-on encore capable de mener objectivement l'enquête?
Et puis, il y a cette carte d'anniversaire glissée dans la poche du mort et qui porte à croire qu'un enfant de 11 ans est en danger... Peut-être bien cette fillette au talent évident pour la peinture et qui cherche à tout prix à quitter ce village, cette prison.
«Trois femmes vivaient dans un village. La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste. Elles possédaient pourtant un point commun, un secret en quelque sorte : toutes les trois rêvaient de fuir… »

J'ai adoré ce livre! De bout en bout. J'ai aimé la construction des personnages, j'ai aimé le mystère d'une enquête tarabiscotée dont on se demande à chaque page ce qu'elle nous réserve. J'ai adoré la vieille qui raconte le récit pour son humanité féroce et son cynisme. J'ai été touchée par l'amour que l'adjoint porte à sa femme. Et de l'amour, il en est beaucoup question dans ce roman.
Et puis, surtout, il y a la fin où tous les morceaux du puzzle se mettent en place et où l'auteur fait mouche pour mon plus grand bonheur. Saperlipopette : je me suis fait avoir!
Un livre que je conseille absolument ;-)