lundi 30 septembre 2013

Le premier vrai mensonge - M. Mander

Ce que nous en disent Les Presses de la cité sur la quatrième page de couverture:

Confronté à un événement trop grand pour lui, un enfant se raccroche à son imagination.
 
Agé d'une dizaine d'années, Luca vit seul avec sa mère et son chat Blu. Lorsqu'un matin sa mère ne se réveille pas, le petit garçon, affolé à l'idée qu'on puisse l'envoyer dans un orphelinat, décide de taire sa mort et de continuer à mener une existence en apparence normale. C'est son premier vrai mensonge. L'histoire qu'il livre au monde extérieur est si bien ficelée qu'il finit par se convaincre qu'il n'est pas orphelin.

L'histoire de Luca était à la fois suffisamment tragique et inventive pour que le livre me fasse de l'œil. D'autant qu'a priori, il s'agissait d'un livre rapide et court : grands caractères, 199 pages aérées, des chapitres bien découpés.
La lecture sur Amazon des premières pages du roman m'a confortée dans cette première impression positive : l'auteur s'exprime avec beaucoup de maîtrise, le style est agréable.
 
Oui mais voilà, si Luca m'a fait sourire au départ, son long monologue intérieur a fini par me lasser. Car de contacts avec le monde extérieur, le petit garçon n'en a pratiquement pas. Le lecteur a droit à une ou deux crises d'angoisse lorsque le gamin doit trouver des excuses pour justifier l'absence de sa mère mais en fin de compte, il interagit rarement avec son entourage. Et cela rend le livre peu crédible. Un garçon de cet âge a une vie scolaire, des amis. Sa mère, bien qu'isolée, a une bonne amie mais qui s'en va justement en vacances au moment du drame, comme c'est commode pour ne plus avoir par la suite à répondre au téléphone!
Et donc de mensonges, il n'en est que très peu question. Quant à "l'histoire si bien ficelée", je n'en ai pas vu le bout du nez. Luca a peur d'être placé en orphelinat. Il tait le décès de sa mère. Et c'est tout.
Du coup, les 199 pages bien aérées deviennent bien trop longues pour ce qui aurait pu constituer une excellente nouvelle au contenu bref mais intense.
Parce qu'il y a dans tout ce fatras un potentiel énorme lorsque Luca s'aventure à nous montrer les difficultés réelles qu'il doit assumer : " Deux semaines ou presque ont passé. Et tout continue de façon automatique. A vrai dire j'ai des difficultés avec mes tee-shirts - je n'en ai plus -, avec mes chaussettes - je les ai déjà toutes mises - et avec mes slips que je ne peux plus changer chaque matin. Alors, je les retourne, comme ça, ils durent plus longtemps, sous mes vêtements, on ne voit pas s'ils sont propres ou sales."
Là, oui, j'accroche.
Ou encore plus loin, ce qui -malgré les reproches que j'adresse au livre - vaut sa lecture :
"Je pose la soucoupe par terre. La petite bougie éclaire la cérémonie dune lumière indécise et tremblotante comme si elle allait s'éteindre d'un moment à l'autre, moi aussi je suis indécis, j'hésite à tout laisser là ou à souffler à la place de maman qui n'a plus de souffle."
 
Luca est un petit garçon dont l'auteur a voulu faire un philosophe qui nous informe des difficultés des adultes. Et ce n'est que lorsqu'elle oublie cette "adultitude" que le roman fonctionne pour devenir ce qu'il aurait dû être en permanence : le cauchemar d'un bambin qui a perdu sa maman...
 
 

dimanche 22 septembre 2013

L'école de la mort - GULF stream

Belle rencontre que celle-ci, organisée par "délivrer des livres" grâce à un partenariat avec les éditions Gulf stream que je remercie vivement pour cette initiative.

L'école de la mort est un recueil de nouvelles ou de récits courts qui traitent de l'environnement scolaire ( en tous cas d'environnements d'apprentissage) et montrent les dangers qui guettent les élèves ou leurs enseignants.
Je m'attendais à lire des histoires assez basiques et j'ai donc été heureusement surprise en lisant ces textes très élaborés, denses et aux sujets relativement complexes.
J'ai beaucoup aimé aussi l'idée de placer ces histoires dans des époques différentes. Cela permet aux lecteurs de se faire une image plus précise des différentes approches pédagogiques. Nous passons ainsi du XVIIème siècle à l'antiquité égyptienne ou grecque, avec un détour par le XXème siècle en Russie et même un crochet par la préhistoire.
En tant qu'enseignante, cette idée ne pouvait que me séduire. Mais les auteurs qui ont participé à l'aventure de ce livre ont également réussi à me séduire par la qualité de leurs styles, par le choix des personnages et par la liberté qui nous est donnée de retirer de chaque texte une leçon, un questionnement.
Je souligne également le côté agréable de l'objet livre avec ses grands caractères et sa couverture attractive.
Et même si j'ai trouvé que tous les textes n'étaient pas aussi prenants, il n'en reste pas moins que j'ai passé un vrai bon moment de lecture avec deux mentions spéciales pour "Le maître des pierres" et " les fantômes de Saint-James" qui présentent l'un la naissance des sépultures et des offrandes funéraires et l'autre le traitement affligeant réservé aux indiens dans les établissements catholiques et dont voici un extrait :
 
" Sœur Charity ne savait ce qu'elle haïssait le plus quand une nouvelle fournée débarquait à la mission Saint-James : leurs braillements ou la morve qui leur coulait du nez. La première chose à faire avec ses furies, c'était les nettoyer pour les débarrasser des puces et de la vermine recouvrant leur corps; ensuite il fallait leur couper les cheveux, le plus court possible, pour éviter la propagation des poux et la persistance de leurs croyances barbares. Mais c'était la même chose, n'est-ce pas? "

vendredi 20 septembre 2013

Réseau(x) de Vincent Villeminot

Il en est des lectures comme des relations humaines : certaines sont parfois plus difficiles à établir. Avec "Réseau(x)", c'est exactement ce que j'ai vécu. Une entrée en matière délicate qui m'a presque poussée à refermer le livre sans aller plus loin. Et puis, allez savoir pourquoi, on se dit que c'est bête, on s'accroche et on finit emportée. Ou presque.
Que puis-je en dire? Pour l'histoire, je ne peux que m'incliner devant la présentation qu'en donne le site Ricochet:

"Sur le réseau social DKB, DreamKatcherBook, on ne parle que de Cèsar Diaz, alias Nada#1, vingt ans et millionnaire d'Internet. Il a inventé les PIFR, Play It For Real, événements sauvages qui donnent corps, dans différentes villes du monde, à des épisodes connus de jeux vidéo. Cèsar nargue la police, faisant passer ses ordres à son équipe et ses fans par le biais de la partie nocturne de DKB, soit MDP, MyDarkPlaces, un lieu où l'on raconte ses rêves et ses cauchemars sous forme de textes, de vidéos... Nous suivons tout un ensemble de personnages liés au DKB, au départ pour des raisons différentes. Parmi eux la jeune Sixtine, [...], Maud, active participante à des grèves étudiantes, la commissaire Alice Kowacks de la brigade numérique chargée de surveiller le PIFR, et bien sûr Nada#1 lui-même [...]"
 
Un résumé qui, rendons à Cèsar ce qui appartient à Cèsar, reflète extrêmement bien la complexité qui attend le lecteur.
En effet, Vincent Villeminot a choisi de nous faire rencontrer ses personnages en nous plongeant dès les premières pages dans l'univers du réseau social DKB et ce, à travers les messages qu'ils postent à intervalles réguliers.
Ainsi faisons-nous connaissance avec Sixtine :
" 1. Rêve de Sixie. 9.30 a.m.

[ émis sur la page DKB/MDP SixieDREAMY.
T&P : amourette/meurtre/noyade
30 janvier, 09.30 a.m. ]

[ je suis dans une grande prairie herbeuse, quelque chose d'un paysage flamand, ciel mouillé mais lumineux, nuages hauts, soleil jaune. Je sens le bruissement du vent autour de moi, je porte une robe comme celle d'Autant en emporte le vent. Je tiens une ombrelle. Romantique en diable, la fille... [...] ]

Autant dire que pour le malheureux adepte du courrier papier, la lecture devient très rapidement ardue! D'autant que les personnages s'enchaînent au fil des articles publiés, sans liens apparents les uns avec les autres.
Et puis, à force d'entêtement, je suis arrivée à la page 75 et à l'entrée en scène du commissaire-stagiaire Alice Kowacks: brave petit soldat, fière de son métier et de ses aspirations! Quitte à saborder sa relation de couple et à en subir les conséquences. C'est grâce à Kowacks que je n'ai pas abandonné la lutte. Avec elle, j'ai repris pied. Avec elle, j'ai pris plaisir à me laisser aller au style efficace de l'auteur. En effet, Vincent Villeminot, s'il ne m'a pas facilité la tâche, a le mérite d'écrire remarquablement bien. Pas de lenteur dans le rythme, construction narrative audacieuse, manipulation du lecteur tout autant que des personnages. Car il leur en fait voir à ses personnages! Les intrigues se mêlent, s'entrecroisent, forment une sorte de gigantesque labyrinthe ( j'avais envie de dire réseau...) où la réalité se confond avec le rêve et le virtuel.
Où se cache la vérité dans cette masse d'informations que les personnages nous livrent, croient deviner, abandonnent pour un temps avant d'y revenir? C'est la question qui m'a agitée jusqu'au bout. Tout comme elle a agité Alice Kowacks...

Et donc, je suis arrivée à la fin. Avec le sentiment très net de n'avoir pas tout compris et de devoir sans doute relire une seconde fois ce livre de 448 pages.
Dois-je alors dire que je suis déçue?
Et bien non, et c'est là toute l'étrangeté de la chose.
Bien sûr les références à connotations "geek" m'ont bloquée dans mon approche de départ, bien sûr le nombre de personnages est étourdissant, bien sûr les différentes intrigues se mélangent tellement que je me suis perdue.
MAIS,
il y a le style.
MAIS,
il y a l'originalité du thème qui donne à réfléchir.
MAIS,
il y a le rythme.

Et puis surtout, il y a des personnages auxquels je me suis attachée. Contrairement à ce que j'ai lu chez d'autres blogueurs, ce ne sont ni Sixtine, ni Théo Chaplin, ni même Alice Kowacks qui m'ont séduite. Non. C'est le commissaire Abel Fanelli. Cet homme usé par la violence quotidienne qu'il doit affronter, par son sentiment d'avoir été un mauvais père et par ses efforts pour y remédier, même mal.
Cet homme-là m'a émue. Sans doute parce qu'il reflète une des grandes craintes que nous avons, nous parents : celle d'échouer auprès de nos "petits"...

"Réseau(x)" est à présent fermé sur mon bureau. Je ne l'ai pas rangé. Je sais qu'il m'attend et que je replongerai sans aucun doute dans ses pages.



Je remercie les éditions Nathan et Lire en live de m'avoir donné l'occasion de découvrir un auteur qui me faisait de l'œil depuis ses précédents romans "Instinct" ( tomes 1 et 2) vers lesquels je ne manquerai pas de me tourner dans un avenir proche.




 

 

lundi 9 septembre 2013

Les évaporés - T. B. Reverdy

 

Je ne vais pas parler d'éblouissement mais voilà un second livre lu dans le cadre du challenge 1% de la rentrée littéraire qui m'a indéniablement fait passer un agréable moment.
Une écriture fluide, des personnages intéressants, des clins d'œil à R. Brautigan, des références à l'actualité et une plongée dans l'univers étrange du Japon; tout est habilement placé par l'auteur pour satisfaire les plus exigeants des lecteurs.
 
"Les évaporés", c'est avant tout la description des conditions de vie d'une certaine frange de la population, placée au-delà même de la marginalité, dans une "non-existence". Les évaporés, ce sont ces japonais qui un jour, pour des motifs aussi variés que personnels, choisissent de disparaître. Au nom de l'honneur, ou bien pour fuir la honte, ou, dans le cas du personnage dont le titre parle, pour éviter aux siens de subir des violences et préserver sa propre vie.
 
Le père de Yukiko a en effet dû quitter sa femme et son travail. Il a vu quelque chose dont il ignore encore tout mais qui a suffi à mettre la mafia à ses trousses et un terme à son quotidien.
Et nous allons le suivre dans les quartiers paumés, le regarder reconstruire sa vie avec l'aide improbable d'un jeune garçon qui a fui le nord et les ravages du Tsunami.
Yukiko va lancer son ami Richard B. - un privé avec qui elle a entretenu une liaison dont il se s'est jamais remis entièrement - sur les traces de ceux dont on ne parle pas.
 
J'ai adoré toute la partie concernant Kaze ( le père) et le jeune gamin. L'enquête du privé et ses relations troubles avec Yukiko sont bien tournées. Les seuls passages à m'avoir moins plu sont les deux passages sur les rêves, passages dont je voyais moins l'utilité.
 
Cela reste toutefois une jolie découverte et nul doute que je m'intéresserais de très près à cet auteur par la suite...



challenge album

mardi 3 septembre 2013

Lady Hunt de Hélène Frappat

La présentation en quatrième de couverture avait retenu mon attention pour ce premier livre de ma rentrée littéraire.
"Laura Kern est hantée par un rêve, le rêve d'une maison qui l'obsède, l'attire autant qu'elle la terrifie.
En plus d'envahir ses nuits, de flouter ses jours, le rêve porte une menace : se peut-il qu'il soit le premier symptôme du mal étrange et fatal qui frappa son père, l'héritage d'une malédiction familiale auquel elle n'échappera pas?
D'autres mystères corrompent bientôt le quotidien de la jeune femme [...]. Tandis qu'elle fait visiter un appartement de l'avenue des Ternes, Laura est témoin de l'inexplicable disparition d'un enfant. [...]"
 
Il n'en fallait pas plus pour frapper mon imagination et me donner envie d'ouvrir ce livre publié chez Actes Sud, dans ce format que j'apprécie tant.
Malheureusement, mon plaisir s'est arrêté là. Je n'ai absolument pas accroché au style de l'auteure. Trop hermétique pour moi. Pourtant, il y a d'excellentes idées : Laura Kern est une jeune femme dont les doutes ont de quoi susciter l'émoi, angoissée qu'elle est à l'idée de souffrir de cette maladie qui a poussé son père au suicide et qui a convaincu les gens qu'il était un ivrogne. Ce père est une figure omniprésente dans l'esprit de Laura et de sa sœur. Il les hante. Il les terrifie par ce qu'il leur a probablement transmis. Il existe des tests qui permettent d'être sûres, mais vaut-il mieux vivre dans l'incertitude et dans l'espoir ou dans la certitude de sa mort?
Les dialogues, quand il y en a, sont vifs et très humains.
Mais voilà, il n'y a pas tant de dialogues que cela et le reste est à mes yeux formulé dans une prose récalcitrante à se laisser déchiffrer. D'autant plus que tout le livre est scandé par un poème en anglais de Tennyson dont nous n'avons pas la traduction tout au long du livre. Et mon anglais n'est guère suffisant pour traduire et cerner toute la saveur de ce poète. Cela m'a vraiment freinée. Le fait de trouver sa traduction tout à la fin du livre, comme une révélation suprême, n'a pas été un soulagement, juste une frustration supplémentaire qui n'a en rien réglé les difficultés que j'ai éprouvées à entrer dans un univers qui m'était totalement étranger. Jusqu'au bout, j'ai cru que je parviendrais à dissiper les brumes de mon incompréhension. Il n'en a rien été.
Je ressors donc de ce livre sans en avoir rien retiré, rien d'autre que le sentiment d'être passée, peut-être, à côté de quelque chose.
Ou peut-être pas...
 
Un extrait :
 
" Dans l'allée, je trébuche et tombe à genoux.
Les bras métalliques de la grille se referment, clac!
Je suis dedans.
Je ramasse des poignées de cailloux et remplis mes poches.
Prisonnière, dedans.
J'attrape un caillou au fond de ma poche, je lève le bras, et je vise.
Brume, brume, brume...Où te caches-tu, petite brume?
La brume est dedans!
Les murs, les fenêtres, le toit recrachent des vapeurs de brume.
Feu! En plein dans la fenêtre au rez-de-chaussée, je tire!
LA MAISON A MAL!
Feu!
Une poignée entière de graviers sur les fenêtres, les murs, le perron.
Cri de joie!
LA MAISON RIT!
LA MAISON SE MOQUE!"