dimanche 16 février 2014

PLLP - polar : Les noeuds d'acier VS Derniers adieux

Ca y est, l'opération du prix des lecteurs du Livre de Poche a démarré pour moi! J'ai reçu avec émotion les deux ouvrages sélectionnés pour le mois de février : d'un côté "les nœuds d'acier" de Sandrine Collette et de l'autre  " Derniers adieux" de Lisa Gardner.
 
Je me suis plongée dans ces deux livres avec une intense satisfaction tellement était grande ma joie de participer enfin à cette aventure! Mais quel est le verdict me demanderez-vous puisqu'enfin, c'est de ça qu'il s'agit : attribuer un prix au livre qui aura trouvé grâce à nos yeux impitoyables de lecteurs critiques ;-)
 
"Les nœuds d'acier" de Sandrine Collette
Le résumé de la quatrième de couverture m'a donné envie de commencer par ce roman.
"Avril . Dans la cave d'une ferme miteuse, au creux d'une vallée isolée couverte d'une forêt dense, un homme est enchaîné. Théo, quarante ans, a été capturé par deux frères, deux vieillards qui ont fait de lui leur esclave. Comment a-t-il basculé dans cet univers au bord de la démence? Il n'a pourtant rien d'une proie facile : athlétique et brutal, Théo sortait de prison quand ces vieux fous l'ont piégé au fond des bois. Les ennuis, il en a vu d'autres. Alors, allongé contre les pierres suintantes de la cave, battu, privé d'eau et de nourriture, il refuse de croire à ce cauchemar. Il a résisté à la prison, il se jure d'échapper à ses geôliers."
L'histoire se présente comme la mise en forme d'un fait divers particulièrement crapuleux sous la forme d'un journal qui retrace la tourmente dans laquelle plonge Théo.
J'ai bien aimé cette présentation sans concession du personnage principal qui ne cherche pas à minimiser ses actes ( sans doute parce qu'il n'éprouve aucun remords pour ce qu'il a fait) et qui le rend humain : Théo n'est pas un personnage sympathique et pourtant, ce qu'il va vivre est au-delà des sanctions les plus sévères, et donc, on ne peut s'empêcher de le prendre en pitié.
Et puis, cette construction du récit permet au lecteur de douter en permanence : s'agit-il d'une pure fiction ou bien l'auteur s'est-elle inspirée de faits réels? L'important n'est pas tant dans cette ambiguïté que dans la conviction que cela pourrait être vrai. Cette histoire, j'y ai cru, fondamentalement. Sandrine Collette parvient à montrer la nature humaine dans ce qu'elle a de plus vil et de plus dégénéré. Pas de fioriture inutile, juste l'exposé brut de la vie menée par ces personnages qui ne peuvent être que ce que l'humanité a produit de pire de bassesse, d'absence de morale et de violence.
Surtout, elle parvient à créer des personnalités crédibles. Ces hommes sont certes dénués de morale  mais ils éprouvent des moments de doute et de peur qui nous les rendent proches. C'est peut-être le plus dur dans ce roman, c'est qu'on les comprend. On n'admet pas leur comportement, mais on comprend ce qu'ils peuvent ressentir.
Un roman sans complaisance donc pour les hommes ( et les femmes d'ailleurs) et leurs travers. Voilà pour les qualités de ce polar.
Certaines longueurs dans l'histoire et  un manque d'adhésion de ma part  vis-à-vis de la fin du roman m'empêcheront pourtant de crier au génie.
 
Une citation qui présente bien l'atmosphère du livre :
" - Tu n'y crois pas, hein?
Je me tais.
Je l'entends se retourner  au bruit de ses chaines, gémir un peu. Sa voix rauque s'éteint.
- tu vas voir. Hélas, tu vas voir."
 
 
"Derniers adieux" de Lisa Gardner
 
Lisa Gardner nous change de registre même si l'objectif est le même : montrer la folie du genre
humain.
"Est-ce parce qu'elle attend un enfant que Kimberly Quincy, agent du FBI, se sent particulièrement concernée par le récit effroyable et terrifiant d'une prostituée enceinte?
Depuis quelques temps, elles sont plusieurs à avoir disparu d'Atlanta sans explication, comme évaporées, et Kimberley est bien la seule à s'en préoccuper. Un serial killer s'attaquerait-il à ces filles vulnérables? Aurait-il trouvé la clé du meurtre parfait ou s'agit-il de crimes imaginaires? Sans le savoir, la jeune femme s'enfonce dans le piège tendu par un psychopathe. Comme pour sa mère et sa sœur, victimes autrefois d'un tueur en série, le temps des derniers adieux est peut-être arrivé pour Kimberly..."
Construit de manière très classique, Lisa Gardner propose un thriller que j'ai trouvé assez conventionnel par certains aspects. Je dois avouer que j'ai trouvé l'ensemble souvent prévisible notamment quant aux rôles des différents personnages et puis l'histoire traîne parfois en longueur.
Cependant, rendons à César ce qui appartient à César, l'auteur est parvenue à me faire cauchemarder. Je déteste les araignées et malheureusement pour moi, Lisa Gardner a su en jouer à la perfection. Ce qui fait que je me suis réveillée deux nuits d'affilée en retenant un hurlement, persécutée par d'affreuses bestioles à huit pattes. Je suis arachnophobe, certes, mais c'est pourtant l'élément du livre que j'ai le plus apprécié car l'auteur parsème son histoire de citations sur la vie des araignées. Citations qui ne m'ont pas rendu ces animaux plus sympathiques mais qui ont eu le mérite de me faire frissonner. Un lecteur averti...
 
Une petite citation pour le plaisir :
" De même qu'on peut identifier les oiseaux grâce à leur chant, il est possible de classer les araignées en fonction de la façon dont elles tuent."


samedi 1 février 2014

La voix du couteau Tome 1 Le chaos en marche - Patrick Ness

 
Patrick Ness avait fait vibrer mon âme de lectrice à travers l'excellentissime " quelques minutes après minuit" chroniqué précédemment sur ce blog et j'avais donc envie de voir si l'auteur tenait ses promesses en découvrant ses autres ouvrages.
J'ai donc googlé son nom et découvert à ma grande joie qu'il avait déjà écrit une trilogie intitulée " La voix du couteau".
Une commande s'imposait et je me suis bientôt retrouvée avec le tome 1 entre les mains : Le chaos en marche.
Ma première réaction a été un peu de déception. Je n'aime pas la couverture. Je laisse donc un moment le livre sur le côté.
Mais l'envie de me replonger dans cet univers si particulier de l'auteur me poursuit et malgré mes résolutions de consacrer plus de temps aux études et aux lectures scientifiques, j'ai finalement craqué ( après tout, il faut bien se détendre, non?) et je viens de terminer ce roman.
Le narrateur, Todd Hewitt est un gamin de 13 ans, bientôt 14. Ce passage marque son entrée dans l'âge adulte. Todd vit dans un univers où les pensées de chacun s'entendent que l'on souhaite ou pas les entendre. Ce qui forme le Bruit. Un bruit permanent, épuisant, envahissant où aucune intimité n'est véritablement possible. C'est aussi un monde d'hommes. Les femmes sont mortes à cause du virus qui a engendré le Bruit. Parfois, pour s'échapper, Todd vadrouille dans la campagne pour s'éloigner de la ville. Il ne doit plus alors qu'endurer les pensées ( très rudimentaires) de son chien Manchee. Cette fois, pourtant, Todd va faire une découverte qui va tout remettre en question et bouleverser son existence.
Ma déception s'est prolongée au cours de la lecture des premières pages du roman. Todd s'exprime dans un français pour le moins rudimentaire et la prof de français que je suis a éprouvé bien des difficultés à accepter de lire un texte criblé de fautes d'orthographe et d'erreurs syntaxiques.
Et puis, une fois l'horreur dépassée ( car à mes yeux, il s'agissait bien là d'une horreur sans nom!), j'ai appris à entendre la voix de Todd et à dépasser mes préjugés. Todd n'a pas eu d'éducation. L'auteur a donc bien un message à faire passer en adoptant ce style. Soit.
Et puis, Todd se met tout doucement à m'entrer dans la tête. Et j'ai eu envie de savoir. Comme lui, je me suis posé des questions sur cette civilisation étrange dans laquelle il évoluait. Comme lui, j'ai ressenti de la colère et de la tristesse en voyant sa vie basculer et se heurter à l'incompréhension.
Et puis, j'ai aimé Todd pour son évolution, pour sa manière d'appréhender les choses et les gens, pour son rapport avec Manchee qu'il dénigre sans cesse et qu'il finit par aimer.
 
Le roman avance, comme un cours d'eau, avec des moments plus calmes et des rapides à franchir.
Et à nouveau, l'auteur m'a emmenée au bord des larmes.
Et pour ça, je ne peux que conseiller à tout un chacun d'entamer l'aventure et de découvrir le monde de Todd.
Certes, je ne peux lui accorder le titre de coup de cœur vu les difficultés éprouvées à entrer dans l'histoire mais certains passages sont à découvrir de toute urgence.
Ne fut-ce que pour Manchee, quand il crie "Todd?"
 
 

Un bûcher sous la neige - Susan Fletcher

 
 
J'ai retrouvé avec beaucoup de bonheur Susan Fletcher avec ce très beau roman qui présente l'histoire touchante de Corrag, une jeune femme enfermée pour sorcellerie dans les prisons écossaises en plein XVII ème siècle.
Corrag vit une période où les troubles politiques contaminent les hommes qui se battent pour leurs idéaux et leur attachement à un roi en exil ou à un roi en place. Une période où il ne fait pas bon être différent des autres.
Enfermée dans sa cellule humide, Corrag va faire la rencontre de Charles Leslie, venu écouter son témoignage sur ce qu'elle a vu et qui permettrait au révérend d'apporter des preuves permettant d'incriminer les actions de l'individu qui à ses yeux usurpe le trône. Des preuves sur lesquelles miser pour espérer un retour de son roi.
Au départ, Charles ne voit en Corrag qu'une souillon malfaisante. Pourtant, au fil de la confession de Corrag, un charme opère entre eux. Et lorsque Charles rentre, il brûle d'écrire des lettres à sa femme lui narrant l'évolution de son état d'esprit par rapport à cette prisonnière.
Le récit oscille entre le récit de vie de Corrag qui voit venir la fin de sa vie et qui veut laisser une trace d'elle et les lettres d'amour dans lesquelles Charles se confie à son épouse.
 
Le roman m'a tout de suite emballée. Par sa très jolie couverture, par le thème de la sorcellerie et par son résumé dans un premier temps. Ensuite, par la qualité d'écriture de l'auteur qui nous prend par la main avec douceur et nous plonge dans l'univers de ses personnages, mêlant délicatement descriptions et développements psychologiques.
 
Le livre repose sur un fond historique. Et j'adore quand je suis emmenée dans une époque et dans des faits où la question de savoir où commence la fiction, où s'arrête le réel effleure en permanence le seuil de notre conscience.
 
Mais surtout, ce qui m'a fait aimer ce livre, c'est Corrag. Quel beau personnage! Quelle bonne femme!
Le lecteur se sent vite en harmonie avec les sentiments qu'elle inspire à Charles, il les partage. J'ai eu aussi envie de lui prendre la main, de l'écouter, de la rassurer.
 
Les lettres que Charles écrit à sa femme sont belles également, témoignent d'un véritable attachement à sa femme, à une indéfectible tendresse. Elles permettent aussi de comprendre que le couple a traversé des épreuves et que cet éloignement, et cette rencontre avec Corrag, sera le prétexte à mettre des mots sur des blessures afin de les panser enfin.
 
Même si certaines descriptions traînent un peu en longueur, c'est un vrai coup de cœur pour moi. Et je me surprends parfois à penser à Corrag, assise sur le sol détrempé de sa prison, qui aperçoit vaguement par une lucarne grillagée un coin de ciel enneigé...